Lettre ouverte aux Sénatrices et Sénateurs
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PROJET DE LOI AGRICULTURE / ALIMENTATION

Lettre ouverte aux Sénatrices et Sénateurs

par Joël Labbé, Sénateur du Morbihan

Madame la sénatrice, Monsieur le sénateur, Mes chers collègues,

Ma démarche n’est pas habituelle et pourrait même être considérée comme déplacée, mais je n’ai pas trouvé d’autre solution pour tenter de me faire entendre.

La semaine dernière, j’ai particulièrement mal vécu la séance de commission des affaires économiques consacrée à l’examen des amendements au texte de loi agriculture / alimentation.

Comme je l’ai annoncé en fin de commission, je vais proposer à mon groupe de demander un vote à scrutin public sur un certain nombre d’amendements majeurs sur la partie alimentation du texte lors de son examen en séance la semaine prochaine. Je tenais à vous en informer afin que vous ne soyez pas pris de cours.

Les questions que posent ces amendements sont les suivantes :

– Sur quelles bases refuser l’interdiction du glyphosate, pesticide jugé cancérogène probable pour l’homme et dangereux pour la biodiversité, alors que des alternatives existent ?

– Comment refuser d’étendre l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes à l’heure où les apiculteurs sont dans la rue pour dénoncer les mortalités catastrophiques des abeilles ?

– Pourquoi refuser d’autoriser des alternatives naturelles aux pesticides sans danger pour la santé et pour l’environnement alors que sont mises sur le marché des substances chimiques qui nous empoisonnent ?

– Comment justifier de continuer à autoriser la France à produire et exporter des substances chimiques interdites sur son territoire parce que considérées comme trop dangereuses ? La santé des citoyens du monde est-elle moins importante que les profits de quelques entreprises françaises ?

– Comment expliquer aux citoyens et aux agriculteurs que l’on refuse d’interdire l’importation de produits alimentaires traités par des pesticides interdits dans l’Union Européenne ?

– Comment justifier de refuser aux riverains une protection face à tous ces pesticides dangereux, parfois épandus jusque sous leurs fenêtres, en garantissant une distance minimale d’épandage à proximité des habitations et des écoles ?

– Pourquoi revenir sur l’objectif de garantir à tous une alimentation de qualité en fixant un objectif de 20% de bio en restauration collective ? La demande pour les produits bio augmente sans cesse et la production suit, pourquoi freiner des évolutions sociétales bénéfiques à toutes et à tous ?

–  Pourquoi s’attaquer aux labels qui existent déjà et garantissent un haut niveau de qualité ? Le Sénat peut-il refuser de protéger le terme « fromage fermier », aujourd’hui réservé aux fromages affinés à la ferme, et qui demain pourraient être utilisé pour vendre n’importe quel fromage industriel ?

Au regard de toutes ces questions, le mode de vote à scrutin public doit permettre à chacune et chacun d’entre vous, quel que soit votre choix, de vous exprimer « en votre âme et conscience ».

Je crois vraiment que nous sommes à un tournant de l’histoire et avons à prendre pleinement nos responsabilités, sans pression ni influence extérieure. Sur ces questions d’agriculture et d’alimentation, c’est un modèle de développement que nous avons à choisir.

En ce qui concerne l’utilisation des pesticides, je voudrais rappeler les propos du précédent ministre de l’agriculture, dans l’exercice de ses fonctions, en janvier 2015 : « les phytosanitaires sont comme une bombe à retardement… » et ceux de l’actuel ministre d’état, Nicolas Hulot, en mars dernier : « … En fonction de nos décisions, la justice et l’histoire nous rattraperont… »

Comment accepter de risquer d’être accusés, par les générations nouvelles, même si ce n’était que moralement, de complicité d’empoisonnement généralisé ? Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Pour ma part, je suis tellement convaincu de l’urgente nécessité de prendre nos responsabilités que je continuerai de me battre pour cela jusqu’au bout, tant que je serai vivant.

Dans l’attente de débats en séance que j’espère riches et ouverts, la semaine prochaine, je vous prie d’agréer, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, mes chers collègues, l’expression de mes plus respectueuses salutations.

Joël Labbé, 22 juin 2018