Elevage porcin à Barrais-Bussoles : observations au dossier
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Observations au dossier soumis à la consultation du public (du 1er au 29 octobre 2018) : demande d’enregistrement présentée par la SARL MCP élevage pour l’exploitation d’un élevage porcin à BARRAIS-BUSSOLLES

 

Vingt quatre années se sont écoulées et le feuilleton de cette porcherie de type industriel hors-sol refait surface !

D’une capacité de 6700 places, cette usine avait fonctionné un an entre 1996 et 1997. Suite à la décision de la Cours administrative de Lyon du 13 mai 1997, annulant le permis de construire et l’autorisation d’exploiter, les bâtiments avaient été vidés de leurs animaux sur décision préfectorale.
Un nouveau dossier a été représenté par le pétitionnaire avec une nouvelle enquête publique, « et si la décision définitive est négative, il y aura démolition » reconnaissait le Préfet Paul MASSERON, (La Montagne, 5 juillet 1997).
Le Préfet Philippe GREGOIRE a clos le dossier en refusant en juillet 2000 au groupe Arrow l’autorisation d’exploiter la porcherie.

Logiquement, cette friche industrielle aurait du faire l’objet d’une démolition comme l’a réclamé à plusieurs reprises le collectif des opposants. Contre toute attente les bâtiments ont été rachetés aux enchères en novembre 2004 par Monsieur LEBAS, président du groupement de producteurs MC porc. Après une première tranche de travaux, 2240 porcelets en post sevrage ont été admis dans le bâtiment en juillet 2016 ; cette opération faisant l’objet d’un simple récépissé de déclaration en date du 6-07-2016.

Une question se pose : comment ces travaux ont-ils pu être réalisés alors que le permis de construire avait été annulé en 1997.
A défaut, ils devraient faire l’objet d’une autorisation dont on ne retrouve pas trace au dossier soumis à consultation. Il faut aussi préciser que ce bâtiment est amianté, car construit en 1994 avant la date d’interdiction de l’amiante.
Historiquement, il est permis de s’interroger sur les raisons qui ont poussé à construire ces bâtiments au lieu-dit « L’étang des rivières ». La situation hydrologique du site n’a pas changé, les sources sous les bâtiments sont toujours présentes, (cela avait été constaté par huissier).

C’est précisément sur cette absence d’état initial du site que s’est appuyée la Cour d’Appel de Lyon dans son jugement du 13 mai 1997. Il ne devrait donc pas y avoir réouverture aujourd’hui.
Un autre élément est à prendre en compte : suite au conflit opposant la société Arrow et le constructeur des bâtiments un expert avait été désigné en septembre 99. Un rapport d’expertise a été produit mais jamais transmis à l’administration ! Ce point avait été abordé au CDH (conseil départemental d’hygiène) de décembre 2000.

Des cochons fantômes !

L’occupation future des bâtiments présentée au dossier serait la suivante : 4340 porcelets (+2000 par rapport à aujourd’hui) et 1944 cochons à l’engraissement. La procédure d’enregistrement est justifiée par un seuil théorique inférieur à 2000 animaux (les cochons à l’engraissement) ; par contre ne sont pas pris en compte les 4340 porcelets qui en animaux équivalents sont ramenés à 868 (4340 x 0,2). En ajoutant ces 868 aux 1944 cochons bien réels, le seuil de 2000 est dépassé et le dossier passe sous le régime d’autorisation.

Attention, la « consultation du public », n’est consultable en mairie qu’à condition de se munir d’un ordinateur portable, celle-ci n’étant présente que sous la forme de DVD, et pas imprimable. Dans le genre déficits démocratiques et communication opaque, c’est presque parfait.

Un label pour quoi faire ?

Les animaux seraient élevés sous le label rouge « porcs délice ». Un cahier des charges devrait préciser les conditions d’élevage (densité, alimentation…) ; rien de tout ça n’est joint au dossier.
Une information quand même, les animaux sont abattus à 182 jours…

Ce défaut d’information a peut-être une explication : en consultant les données de sites professionnels de l’industrie du porc on constate le peu d’écart entre le conventionnel et le label dans ce domaine ; les cochons à l’engraissement ne disposent par exemple que de 0,5 à 0,8 m2 d’espace chacun, quel délice de respirer les vapeurs d’ammoniaque en provenance des fosses à lisier sous le caillebotis….
En fait, ce label s’apparente plus à une opération de communication qu’à un réel effort en matière de conditions d’élevage, de bien-être animal, de respect de l’environnement, de bonne qualité de viande… Au final, le citoyen/consommateur est trompé !

Un dossier qui ne sent pas bon le développement durable !

Les cochons produisent des quantités journalières de déjections importantes ; élevés sur caillebotis, cela constitue le lisier dont le volume atteint ici 7000 m3/an. Présenté abusivement comme un engrais organique, c’est en réalité un déchet composé d’excréments, d’eaux de lavage accompagnées de détergents, de résidus de pesticides, de médicaments, bactéries….
C’est pourtant ce mélange qui est destiné à être épandu chaque année sur les champs voisins.
Hormis les plans de fertilisation, aucune étude d’impact sérieuse… Que penser de cette prospection pédologique consistant à effectuer, à la tarière à main, un sondage / 5 ha ?

Certains secteurs avaient déjà fait l’objet d’une prospection dont « les résultats portés à notre connaissance » (page 93). Il serait intéressant de préciser de quels résultats, de quelle prospection s’agit-il…
Car si cela concerne l’étude d’impact à propos du lisier, réalisée lors de la première enquête publique cela ne ferait pas très sérieux : la Cour Administrative d’appel avait aussi motivé sa décision d’annulation de l’exploitation précisément en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact concernant le lisier !

Une autre incohérence, les épandages de lisiers sont interdits sur les terrains pentus. Les épandages sur les parcelles en pentes moyennes à fortes sont réservés au fumier peut-on lire et aussitôt après « si lisier, les volumes seront limités 25 m3 / ha ».
Ainsi, un principe est affirmé et aussitôt après, une dérogation vient le compléter.
Epandre du lisier serait lourd de conséquences sur cette zone faite de successions de vallons, de bassins versants: pollutions assurées des ruisseaux, des sols (les lisiers affectent les populations de vers de terre, présence de métaux lourds), des eaux d’abreuvement du bétail, odeurs qui empuantissent l’air ambiant….

Par ici la bonne soupe !

Une alimentation sèche pour les porcelets, la soupe pour les autres : voilà toute l’information dont dispose le public…
Quelle en serait la composition ? On nous jure que c’est fini avec les antibiotiques activateurs de croissance dans l’alimentation. Par quoi ont-ils été remplacés ? Les représentants de la filière porcine prétendaient, il y a quelques années, que cela couterait trop cher….
Quant aux médicaments administrés aux animaux, à titre préventif ou curatif, pas une ligne au dossier.

Il faut creuser un peu pour apprendre que le désinfectant TH5, utilisé ici à hauteur de 400L/an, entre autre pour combattre le virus de la peste porcine africaine, est un produit redoutable, très toxique pour les organismes aquatiques. Il va pourtant se retrouver dans les eaux de lavage des bâtiments. Quel sera son impact sur l’environnement, mélangé aux lisiers ?

La loi du marché ou de la nature ?

La première a trop longtemps étouffé la deuxième. On ne négocie pas avec la nature, le climat !
Quand bien même cette installation serait gérable au plan technique elle ne l’est plus au plan environnemental. Le bilan des porcheries industrielles hors-sol a été maintes fois réalisé et à chaque fois les mêmes conclusions s’imposent : pollutions liées aux épandages de lisiers, animaux maltraités (entassement, castration, queues coupés…), viande de piètre qualité ; au plan social, ces grandes structures écrasent les petits élevages ; métiers difficiles et peu valorisant (2 salariés dans le cas présent).
Ce bilan sera aggravé avec les conséquences du réchauffement climatique : pénuries d’eau, canicules, températures très élevées à l’intérieur des bâtiments….

Inacceptable il y a vingt ans, ce projet ne l’est pas plus aujourd’hui. Il est temps de passer à autre chose.
Europe Ecologie Les Verts du département de l’Allier s’oppose à la demande de la SARL MCP élevage et demande à ce que soient étudiées des solutions alternatives : élevages sur paille, plein air, productions biologiques, en phase avec une demande citoyenne de plus en plus forte. Ce qui aurait pour conséquence une pression beaucoup moins forte sur la nature, un meilleur aménagement du territoire, des produits d’une toute autre qualité…

Bessay le 22 octobre 2018
Gérard Matichard,
représentant EELV Allier
6, rte de Neuilly-le-Réal
03340 BESSAY
04 70 43 06 28