Guéri du Covid-19, René Louail se dit optimiste
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“J’ai confiance, un nouveau monde est à construire”

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La maladie n’a pas entamé d’un iota son militantisme légendaire. Le coronavirus, après l’avoir terrassé, conforte le paysan écologiste, dans ses convictions : l’urgence de tourner la page du productivisme. René Louail, 68 ans, s’est relevé. Plus combatif que jamais.

René Louail, comment êtes-vous tombé malade ?

Ce n’était pas du tout les symptômes annoncés.
Au début, j’ai ressenti des courbatures énormes. Très douloureuses, pendant une semaine. C’était atroce, je ne savais plus dans quelle position me mettre. Même me coucher c’était insupportable. Ensuite, je me suis rendu compte que j’étais incapable de lire. Me concentrer sur un livre était devenu impossible alors que je lis beaucoup habituellement.

J’ai consulté un médecin. « C’est peut-être le covid-19 ou autre chose… ». Je suis rentré chez moi. Je n’avais pas de fièvre.
Brutalement, le lendemain, dans l’après-midi, en 3-4 heures, je suis passé d’une température normale à plus de 40 degrés. Ça va très vite. Je commençais à être essoufflé. J’ai appelé le 15 qui m’a conseillé d’aller à l’hôpital.

Je savais le temps compté.

Taxi, Samu ? Mon épouse m’a proposé de m’accompagner. En pesant tous les risques, j’ai décidé de prendre ma voiture, seul, jusqu’au centre hospitalier de Pontivy. 20 minutes de route environ. J’ai pris toutes les précautions possibles.

En arrivant, la distance à parcourir entre le parking et les urgences m’a semblé interminable, j’ai cru que je ne pourrais pas y arriver.
On m’a mis immédiatement sous oxygène. En deux heures, j’ai ressenti plus de facilité à respirer. L’équipe a appliqué le protocole lié au virus, batterie d’examens, questionnaire très précis. Le test au Covid-19 s’est révélé positif bien plus tard.

Le médecin m’a avoué qu’il n’avait rien en magasin à proposer comme traitement. On a eu une discussion sur la chloroquine. Un échange de très bonne qualité. Il a été hyper honnête. En m’expliquant les risques, les effets indésirables. Je me suis senti accompagné. Après des examens cardiaques, j’ai pris trois cachets de chloroquine par jour. Au bout de 24 heures, la fièvre et la tension artérielle se sont stabilisées. La situation s’est améliorée après quelques jours.
J’ai pu rester à l’hôpital en tout une dizaine de jours.
En rentrant à la maison, j’étais sonné. J’ai un besoin de sommeil encore très important. Mais les douleurs ont disparu, je reprends une vie normale, un peu de jardinage, de lecture… C’est plus violent que je ne l’avais imaginé. C’est fulgurant.
Mon épouse a aussi été très fatiguée pendant deux semaines. Sans aggravation. Elle va mieux maintenant.

En temps d’épidémie, l’hôpital de proximité prend-il tout son sens ?

S’il avait fallu parcourir une distance plus longue, je ne sais pas dans quel état je serais arrivé. Après ce covid, j’espère que l’on aura une analyse de la situation de ces services de proximité. Nos hôpitaux de campagne ont une importance capitale. La bagarre pour les préserver ne devrait plus être d’actualité.

Il y a des compétences, une dimension humaine, extraordinaires. En tant que malade, j’étais constamment sous surveillance. Les infirmières, les médecins étaient très présents, ils prenaient le temps d’échanger, de discuter. Jour et nuit.
Ce n’est pas l’usine. On peut avoir les mêmes compétences qu’ailleurs mais sans attendre des heures dans les couloirs.

La vie c’est plus qu’un budget

Ce service de soins ne peut pas être comptable. On ne doit pas gérer la santé comme on gère une entreprise avec des bilans financiers. La restructuration, l’éloignement des lieux de soin n’est pas acceptable. Le maillage des structures de santé en Bretagne doit être conservé, quel que ce soit son coût. La question ne devrait même plus se poser.

Comment imaginez-vous l’Après ?

Après cette épidémie, on va se poser la question de la répartition spatiale des populations. Est-ce que l’on va continuer à entasser les gens dans les métropoles ? Aujourd’hui, il faut que l’on ait une vraie réflexion sur un redéploiement des habitants vers les zones rurales.

Il y a de la place pour installer des jeunes en agriculture. On a besoin de beaucoup de monde. La moitié des paysans ont plus de 50 ans, des terres se libèrent. La priorité c’est de doubler le nombre de fermes chaque année. Des décisions doivent être prises pour que les aides n’aillent plus aux grandes fermes mais aux petites structures, les aides doivent soutenir le développement de l’agriculture biologique.
On voit la fragilité de la politique des échanges internationaux, il faut que l’on revienne à la souveraineté alimentaire. Cela doit se faire dans une dynamique européenne. C’est essentiel pour la santé, le climat, l’emploi.

Je suis optimiste, il y a une prise de conscience.

A la sortie de la crise, il faudra être fort. Il y aura des heurts entre le système qui a échoué et ceux qui veulent changer de système.
Je reste optimiste. Il y a une prise de conscience. Une frange extrêmement importante de la population a envie d’autre chose. La région Bretagne devra renoncer à la politique du caméléon. On ne pourra pas en décembre soutenir les poulaillers géants et parler d’agro-écologie au printemps.
J’entends de plus en plus d’agriculteurs se demander « j’aimerais changer, mais comment faire ? ». Les tenants du productivisme sont malheureux.
Nous allons continuer à nous battre avec le monde associatif, la société civile pour tourner la page de l’agriculture industrielle. Cette crise sanitaire va nous aider à accompagner ce changement.

J’ai confiance. Un nouveau monde est à construire. Il faut qu’on s’y mette tout de suite.

 

René Louail, 68 ans, né à Collinée (Côtes-d’Armor), est un homme politique et paysan syndicaliste breton. Il a été porte-parole de de la Confédération paysanne entre 2000 et 2004, conseiller régional de Bretagne Europe Ecologie les Verts entre 2010 et 2015.

photo : René Louail dans sa serre / © DR