Condition animale & élevage paysan : faire toujours mieux !
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JDE de Toulouse, 23 août 2019

Atelier animé par Anny Poursinoff, Commission Agriculture ; Pauline Couvent, Commission Condition Animale ; avec Pierre Mormède, Directeur de recherche émérite INRA ; Agathe Gignoux, responsable des affaires publiques CIWF ; François Thiery, éleveur bio dans les Vosges, Nathalie Masbou, éleveuse de Chèvre et Présidente de Bio Occitanie.

 Introduction par la Commission Agriculture et la Commission Condition Animale (Anny et Pauline) : 

  • Pourquoi ce travail en commun de nos deux commissions : pour une position cohérente et partagée d’EELV sur cette question. Il ne s’agit pas de s’immiscer dans les choix personnels de chacun-e de consommer ou non des produits carnés ou issus des animaux, mais bien de savoir ce que notre parti politique souhaite comme amélioration pour que les animaux soient respectés de leur naissance à leur mort.
  • Petit retour sur notre rencontre dans les Vosges sur la ferme de François Thiery : thématiques abordées, pistes de travail identifiées etc.
  • Cadrage sur l’atelier comme base de ce travail « programmatique » commun

Contributions personnalisées

Pierre Mormède

Sur la conscience animale, nous sommes passés d’un concept de bientraitance à celui de bien être animal. Nos travaux ont montré qu’il y a une vraie conscience animale. C’est un atout considérable. Il nous faut pouvoir « demander leur avis aux animaux ». Le porc : quand on pense qu’ils sont bien, mais qu’ils se mordent les uns les autres… C’est en fait signe que cela ne va pas.

C’est un atout pour l’élevage.

La conscience est une fonction mentale qui permet de faire fonctionner ensemble des modules du cerveau qui sont interdépendant. Ça leur permet de s’adapter à leur environnement. La chauve-souris : vit la nuit, la tête en bas…il est probable que l’on ne sache jamais comment

Nathalie Masbou, éleveuse de chèvre dans le Lot en transformation fromagère

L’éleveur est avant tout un observateur. S’il veut que cela se passe bien dans sa ferme, il doit aller chercher les indicateurs que les animaux vont nous transmettre : agressivité, portées… ou au contraire la paisibilité. Cela nous permet de réfléchir à la situation, et d’essayer d’apporter des améliorations. On a fait le choix de ne plus écorner nos chèvres. Mais je peux vous assurer que ce n’est pas un choix sans conséquence (chèvres qui se blessent régulièrement en se battant…).

La bientraitance est le minimum. Le bien-être c’est quand on est capable d’identifier les signaux et les interpréter. Par exemple, soigner avec l’homéopathie. Ici, le citoyen peut aussi apporter quelque chose d’important : nous sommes confrontés à un lobby pharmaceutique qui nous interdit d’utiliser les plantes, on a besoin d’une alliance avec les citoyens.

Agathe Gignoux, CIWF, crée au départ par un éleveur laitier

On ne se positionne pas sur un choix de mise à mort ou non, on cherche à considérer les conditions, identifier les solutions de façon pratique sur le terrain, agir sur la sensibilisation des citoyens, consommateurs et politiques. Ultra majorité d’élevage sont industriels. L’élevage paysan, peut être intéressant. Encore beaucoup à faire pour faire bouger les lignes. Notre objectif n’est pas de savoir si on doit arrêter de consommer les animaux, mais bien d’améliorer leur condition de vie. On peut citer l’exemple du cahier des charges de la bio, qui est le plus abouti. Le gros trou noir est celui du transport et de l’abattage. Mais des éleveurs et des paysans, qui vont mettre en place des pratiques.

OABA : assoc de protection des animaux a réussi à obtenir une décision de justice qui considère que le cahier des charges AB n’est pas compatible avec un abattage sans étourdissement.

Il y a également des cahiers des charges volontaires qui se créent.

Le cahier des charges AB est globalement bon car il impose l’accès à l’extérieur, contre le hors-sol etc. Il reste des problèmes sur l’attache dans certaines zones de montagne.

Nous revendiquons l’interdiction du système cage (porcs, pondeuses…). Il faudrait déjà interdire totalement ces systèmes. On a une initiative citoyenne européenne qui vise à réunir un million de signature en Europe, qui est en cours, que vous pouvez signer jusqu’au 11 septembre. L’objectif est de provoquer une réponse obligatoire de la commission Européenne.

L’étiquetage sur les œufs a vraiment permis de faire évoluer les choses.

François Thiery, paysan bio dans les Vosges

Je voulais donner un peu mon expérience personnelle, dire quelques mots sur ce qui distingue élevage paysan d’industriel.

J’ai 50 vaches laitières, 100 ha, en production fromagère. La conscience animale, nous y sommes confrontés et nous composons avec. Il faut faire attention que la conscience animale ne fonctionne pas exactement pareil à celle de l’homme, par exemple sur le choix des prairies. Les vaches ont la mémoire des situations proches et limitées. Les caractères et comportements sont très communs à ceux des humains en termes de groupe, on peut y voir une forme de société, dont l’intérêt est de manger et d’être ensemble. La poule a aussi un comportement très social et curieux. Le plus « intelligent » des animaux, reste le cochon. La chèvre n’est pas loin non plus. La difficulté de mener un troupeau de si on n’a pas la lecture de qui est meneur, on arrive pas à leur faire produire.

Il nous faut une gradation entre un élevage paysan et AB. On ne veut pas stigmatiser ceux qui ne sont pas en bio, mais la frontière se fait surtout entre élevage intégré, et élevage paysan : on parle d’un ouvrier, ou d’un entrepreneur, ce qui n’a rien à voir, car le pouvoir d’agir est nul : l’éleveur a un poulailler, on lui dit tu vas faire du label rouge, le lendemain de l’industriel. Il ne maîtrise rien, n’est pas propriétaire de ses animaux, tout est automatisé.

Sur le cahier des charges AB, c’est un des plus abouti, même s’il reste perfectible : quand on a parlé de la viande halal en AB, on était contre, on s’est mobilisé avec le réseau FNAB et l’agence bio pour l’étourdissement. On est aussi questionné sur les cornes. J’ai voulu réintroduire les cornes, mais j’ai repris l’écornage car ça entrainait des difficultés. L’attache (interdiction avec une dérogation en AB dans certaines situation).

Au niveau de l’élevage, l’abatage a été externalisé des fermes. C’est le process le moins valorisant, le moins rentable, il s’est industrialisé. Les allemands ont initié l’abattage à la ferme, les suisses le pratiquent…il s’agit d’abatage dans les fermes. Il y a un vétérinaire présent etc, c’est pour cela que cela coût cher car nous avons les mêmes obligations juridiques. Ce sont avant tout des coûts supplémentaires. Les suisses autorisent un abattage à la ferme à la carabine, c’est surtout pour améliorer la qualité de la viande. Les paysans demandent à faire évoluer la législation. Mais on doit revenir à la question du cout. Comment fait-on pour faire évoluer économiquement et réglementairement les choses. Je veux bien avoir 15 vaches, avec cornes, ne pas les tuer à la fin, valoriser les veaux…si le lait est vendu 4X plus cher. Il faut savoir qui est prêt à assumer la demande.

Ou via les aides PAC qui seraient doublées pour ces éleveurs ? Ou les consommateurs ? On peut mettre en place ces indicateurs, mais construire la filière et ses accompagnement publics.

Agathe

C’est vrai que l’abatage mobile est une solution, mais cela ne doit pas être l’unique solution car cela restera sur des petits volumes. Il faut travailler avec les abattoirs locaux, et avoir des solutions généralisables.

Benoît Biteau, député européen

Si on dit qu’on ne veut plus d’élevage concentrationnaire, ça veut dire qu’on assume 80% d’élevage en moins. L’abatage à la ferme, sur des petits volumes, sera sans doute une solution le jour où l’on consommera 5/6 fois moins de viande. Il nous faut aussi convoquer d’autres paramètres, en faisant le constat qu’un système d’élevage laitier herbager produit du lait de meilleur qualité qu’un système d’élevage industriel, alimenté au maïs qui est un désastre écologique complété par du Soja. Il nous faut donc convoquer les questions écologiques, climatiques pour compléter le volet condition animale. En termes de politiques publiques, il nous faut réorienter la PAC. Les agriculteurs intensifs ont fait des choix, et ils ne peuvent venir demander des financements publics pour faire perdurer leur système, surtout lorsqu’ils se revendiquent chefs d’entreprise…Les politiques publiques ont fait le choix d’aller dans des politiques « curatives », il faut qu’on aille sur des logiques préventives en termes de soutien public. On doit faire le choix d’avoir moins de lait, moins de viande, moins de lait.

Anny Poursinoff

On doit aussi aborder dans un travail futur la question du bien-être paysan : les maltraitant sont aussi maltraités, si l’on voit les suicides etc.

Questions

  • On a perdu entre la ville et le paysan c’est la confiance. Le côté règlementaire, obligatoire…
  • Est-ce que ça suffit à ceux qui ne consomment pas de viande ?
  • On n’a pas assez abordé la question de la conscience animale, définie sous l’angle de l’élevage paysan. On a aussi évoqué le cas des poules qui montre que ce sont des animaux intelligents. Je suis aussi très sensible à la question de l’homéopathie.
  • Quelle volonté ont les représentants de la question animale au sein du parti ? Je suis ravi de voir cette discussion, on invite souvent L214 qui mitraille la paysannerie… Est-ce que tout le monde au sein de la commission condition animale est OK pour se rattacher sur cette position ?
    • Réponse d’Anna : on a beaucoup d’a priori sur cette question, la com condition animale travaille de façon ouverte. On n’a pas besoin d’être végétarien pour travailler sur cette question. Ne cherchons pas le plus petit dénominateur commun mais le plus grand.

Rédaction : Léo Tyburce, Comagri