Le développement rural, variable d’ajustement de la PAC ?
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JDE de Toulouse, 22 août 2019

Atelier animé par Guillaume Cros, vice-président délégué à l’Europe de la région Occitanie, rédacteur pour le Comité Européen des Régions de deux rapports sur la PAC post-2020, avec Cécile Claiverole, chargée de l’agriculture à France, Nature Environnement (FNE) et représentante de la plateforme pour une autre PAC et Gérard Peltre, Président de Ruralité Environnement Développement (RED).

Atelier s’appuyant notamment sur la tribune suivante, rédigée par Guillaume CROS en Mars 2019

« Tribune » Zones rurales, une chance pour l’Europe ?

Parmi les nombreux défis identifiés pour la future politique agricole commune, celui d’un meilleur équilibre territorial est bien sûr au cœur de nos préoccupations.

En effet, nous constatons avec inquiétude que les zones rurales sont en perte de vitesse par rapport aux zones urbaines et que la pauvreté y est plus marquée. Cet écart est d’autant plus inquiétant qu’il continue à se creuser, notamment sous l’effet de l’accélération qu’a connue le développement des grandes villes et des capitales. L’exode des populations rurales et surtout des jeunes est un problème majeur. Cette situation se traduit par un sentiment d’abandon dans beaucoup de zones rurales, qui accroît l’euroscepticisme dans ces territoires.

Les fonds structurels tels qu’ils sont actuellement mis en place, continuent d’accroitre ces inégalités :

  • La répartition inéquitable des aides du premier pilier de la PAC et la dérégulation des marchés agricoles renforcent la concentration de la production dans les zones plus intensives et accélèrent le processus de disparition des exploitations sur le reste du territoire.
  • La politique de développement rural dont l’objectif est de garantir l’attractivité des zones rurales, leur économie et leur développement ne parvient pas à atteindre ses objectifs compte tenu de la faiblesse des fonds disponibles. à L’étude du Comité européen des Régions sur le budget européen consacré aux zones rurales a d’ailleurs prouvé son insuffisance au regard de l’importance des zones rurales en Europe. Plus inquiétant encore, il se réduit de manière significative par rapport à la période de programmation précédente. Il est ainsi passé de 32,6 % du budget des Fonds structurels (CFP 2007-2014) à 21,3 % au cours de l’actuelle période de programmation (CFP 2014-2020).
  • C’est tendance s’est confirmé au regard de l’utilisation du Fond Européen de Développement Régional (FEDER) qui a été d’avantage orienté par les gestionnaires des fonds européens vers le financement des zones urbaines en lien avec l’adoption d’un agenda urbain.
  • Enfin alors que le dépeuplement rural – en particulier le mouvement des jeunes issus de zones rurales ou reculées vers les villes moyennes ou grandes – est un problème grave dans l’ensemble de l’Europe, il est également regrettable de constater que le Fonds social européen (FSE) pour la formation professionnelle peine à se déployer en zones rurales. Seuls 7 % du FSE sont consacrés aux zones rurales au cours de l’actuelle période de programmation, ce qui est notoirement insuffisant pour répondre au besoin de ces territoires.

Pourtant, déjà en 1996, la première déclaration de Cork réclamait à juste titre un « équilibre plus juste » entre zones rurales et zones urbaines en matière de dépenses publiques et d’investissements. Il est clair aujourd’hui qu’elle n’a pas pleinement rempli ses objectifs, faute d’engagements concrets.

La nouvelle déclaration de Cork 2.0, adoptée en 2016, ne doit pas rester lettre morte. Il est donc indispensable de se doter d’un plan d’actions européen afin de mettre en place au plus vite des mesures concrètes sur la manière de mettre en œuvre le «test rural» de toutes les politiques de l’UE.

Or le cadre financier pluriannuel proposé par le Commission le 2 mai 2018 ne donne pas, à ce stade, les garanties attendues par les autorités locales et régionales pour favoriser la cohésion sociale et territoriale. Le projet de Cadre Financier Pluriannuel prévoit notamment d’allouer 330,724 Mds € à la PAC pour 2021-2027, correspondant à seulement 26% du budget européen, contre 37% en 2014-2020. Avec un budget réduit de 28%, le deuxième pilier de la PAC, en faveur du développement rural, serait donc la principale victime des coupes budgétaires.

A cette nouvelle baisse de dotation financière pour le deuxième pilier de la PAC s’ajoute de nouvelles exigences pour les États membres qui auront l’obligation d’activer les outils de gestion des risques. Avec un taux de co-financement moindre à apporter et des conditions de déclenchement plus flexible, il est à craindre qu’une partie importante du budget disponible soit absorbée en pure perte dans des primes d’assurances qui bénéficient plus aux assurances qu’aux agriculteurs et coûtent cher au contribuable en cas de forte chute des prix, sans s’attaquer à leur volatilité.

Dès lors, il est nécessaire de renforcer le deuxième pilier de la PAC. Un deuxième pilier fort permettrait notamment de soutenir les circuits courts, l’innovation technique et l’innovation sociale pour des modes de production et de transformation durables et la restauration collective se fournissant en produits bio et locaux et la diversification de l’économie rurale.

Si nous plaidons pour un renforcement du deuxième pilier de la PAC, nous estimons que les besoins des territoires ruraux doivent être pris en compte dans toutes les politiques européennes comme mentionné dans la déclaration sur le développement rural adoptée à Cork en septembre 2016. Les besoins des zones rurales et intermédiaires, qui représentent plus de 90% du territoire et qui hébergent 58 % de sa population et 56 % de l’emploi de l’Union, dépassent largement ce que peuvent faire les 5% de budget européen consacré au deuxième pilier de la PAC.

Malheureusement dans ses propositions pour la future Politique de Cohésion, la Commission sacralise, une fois encore, un aménagement du territoire centré sur le développement des métropoles européennes, faisant fi des besoins majeurs des populations et des territoires ruraux. Il est pourtant nécessaire et urgent de développer un véritable axe territorial au sein du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) qui ne se limite pas à un axe urbain. Nous sommes également inquiets de la proposition de concentration thématique de la politique de cohésion sur les deux premiers objectifs, une Europe plus intelligente et une Europe plus verte, qui s’opèrera désormais au niveau national et plus au niveau régional et qui risque également de nuire à la prise en compte des problématiques rurales dans la politique de cohésion.

C’est pourquoi le vote, le 3 octobre dernier, par le Parlement Européen d’une résolution qui appelle les institutions européennes à adopter un Agenda Rural Européen que nous appelions de nos vœux depuis de nombreuses années est une bonne chose. Au-delà de la PAC, il est indispensable de diversifier les points d’entrée et d’insérer le rural dans toutes les politiques européennes. Seule une approche intégrée des politiques publiques permettra de relever les défis économiques, environnementaux et sociaux de chaque territoire européen et plus particulièrement des zones rurales.

Le Comité européen des Régions plaide également en faveur d’une future politique agricole qui maintienne une relation directe avec le territoire rural à travers le rôle actif des régions de l’UE, qui jouent un rôle crucial dans la définition et la mise en œuvre des politiques agricoles et de développement rural au niveau local. Dans sa forme actuelle, la proposition législative tend à marginaliser, voire à compromettre le rôle et l’autonomie des régions européennes dans la gestion de la PAC, en leur confiant la simple tâche de mettre en œuvre des mesures établies au niveau national. L’application d’un tel schéma d’organisation au FEADER risquerait de dissoudre la riche expérience de gestion acquise au fil des années dans de nombreuses régions européennes. Le Comité demande que le rôle clé joué par les régions européennes dans la gestion et la mise en œuvre de la PAC soit maintenu et renforcé. La simplification des procédures ne peut pas signifier une recentralisation des politiques.

Si on leur en donne les moyens, les régions sont en capacité de contrebalancer les déséquilibres engendrées par des politiques européennes trop sectorielles. La prochaine programmation après 2020 doit permettre à tous les territoires de trouver des solutions locales adaptés à leur contexte pour que urbain, périurbain et rural coopèrent de façon harmonieuse, sans concurrence ni hiérarchie.