Pour une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA)
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Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 4 et 5 décembre 2021


Vu la motion d’Europe Écologie-Les Verts (EÉLV) de novembre 2020 portant création d’un Groupe de travail : sécurité sociale de l’alimentation (SSA) et présentant les enjeux sociaux, écologiques et économiques du dispositif.

Exposé des motifs

Le groupe de travail constitué en novembre 2020 à Europe Écologie-Les Verts s’appuie sur les travaux du Collectif pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA), composé d’ISF Agrista, du Réseau CIVAM, du Réseau Salariat, de la Confédération Paysanne, le Collectif Démocratie alimentaire, les Ami·e·s de la Confédération Paysanne, l’Atelier Paysan, Ardeur, Mutuale, l’UFAL.

Il est urgent de créer les moyens d’une démocratie alimentaire qui permette une alimentation choisie, de qualité, en quantité suffisante et accessible à toute la population quelle que soit ses revenus. Pour ce faire, la sécurité sociale en matière de santé, qui garantit a minima un droit universel à la santé, peut servir de source d’inspiration. Ainsi, notre pays pourrait utilement se doter d’institutions à même de garantir un droit effectif à l’alimentation, sur le modèle de celles qui ont favorisé l’application du droit à la santé depuis 1945.

Plus largement, cette démocratie alimentaire doit être éclairée au regard des enjeux de l’urgence climatique et environnementale, ainsi que des liens entre alimentation et prévention santé. Une alimentation saine contribue à prévenir des maladies qui affectent les populations les plus fragiles (obésité, diabète, …), qui sont plus enclines à consommer des produits ultra transformés.

Les piliers du socle commun de la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA)

150 € par personne et par mois, enfants compris, représentent un budget annuel de 120 Md€, soit 8 % de la valeur ajoutée produite en France.

Afin de garantir l’absence de mainmise de l’État sur le processus, il est souhaitable que l’argent ne transite pas dans les caisses de celui-ci, ce qui serait le cas avec un financement basé sur des taxes ou impôts dus à l’État qui les reverserait au fonctionnement de la sécurité sociale de l’alimentation. Le mécanisme de cotisation est le plus approprié pour défendre une organisation démocratique, il agit directement au niveau de la richesse produite et non pour corriger une première répartition inégale de celle-ci.

Différents scénarios sont à l’étude pour définir l’assiette de cotisation, décider si la cotisation serait prélevée sur les salaires ou sur la valeur ajoutée des entreprises.

L’expérimentation et le déploiement à l’échelle locale : charte des initiatives locales de la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA)

De telles propositions méritent aujourd’hui d’être expérimentées, à l’échelle locale (par exemple à l’échelle d’un projet alimentaire territorial/PAT, lorsqu’il existe, ou de la région), pour répondre aux enjeux agricoles et alimentaires de manière durable et structurelle. La mise en œuvre d’une SSA doit donc se faire par les citoyens et citoyennes, les acteurs et les experts concernés, dans le cadre de caisses locales dont le niveau sera fixée après l’expérimentation pour garantir une harmonisation au niveau national.

S’agissant des expérimentations locales de la SSA déjà initiées, le Collectif pour une SSA a élaboré une Charte des initiatives locales. Elle porte quatre principes indispensables pour aller vers une Sécurité Sociale de l’Alimentation, et un cinquième pour les collectivités :

  • “souscrire au socle commun et donc reconnaître la nécessité de politiques macroéconomiques en appui aux dynamiques locales (pour une démocratie alimentaire la plus locale possible, tout en couplant ce dispositif avec une logique de droits universels pour l’ensemble des personnes habitant le territoire) ;
  • coupler droit à l’alimentation et transformation de la production agricole et alimentaire (travailler conjointement le droit à l’alimentation, le droit des producteur·rice·s – dans la production agricole comme dans la production agroalimentaire – et le droit de l’environnement, pour aller vers un droit à l’alimentation saine à un prix juste et abordable)
  • assurer l’universalité de l’accès au mécanisme mis en place (l’objectif n’est pas ici de recréer une forme d’aide alimentaire même si les mécanismes mis en place peuvent demander des contributions différentes en fonction des revenus) ;
  • travailler la gouvernance démocratique du dispositif (l’idée est que l’ensemble des participant·e·s du dispositif doivent être les principaux·ales décideur·se·s de l’alimentation qui sera accessible par le dispositif) ;
  • mettre en cohérence cette initiative avec les autres politiques portées (une collectivité qui souhaiterait expérimenter une SSA devra défendre l’ensemble du régime général de sécurité sociale, ainsi que l’impératif de démocratie alimentaire dans l’ensemble de ses autres politiques).”

La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA), comment ?

La SSA n’est pas à proprement parler une dépense nouvelle puisqu’il s’agit de sommes que nous dépensons déjà. Tout l’enjeu est de permettre un pouvoir de décision sur ce que nous mangeons et d’éradiquer la faim en France, sans oublier qu’elle constitue un levier de transition agro-écologique, nécessaire pour réduire les coûts cachés du système agro-industriel actuel.

De même, étant donné qu’il est question de financer la SSA par une cotisation (et non une taxe) – même à supposer que ce soit le scénario d’un prélèvement sur les salaires – les personnes cotisantes perçoivent en retour une partie de ce qu’elles ont cotisé. La gestion démocratique et locale permet en outre une plus grande transparence sur ce système redistributif.

En outre, la gestion locale permet d’adapter le dispositif aux enjeux locaux de production alimentaire, notamment techniques. La SSA sécurise également les producteur·rice·s dans une transition souvent risquée à titre individuel.

Bien entendu, une gestion locale démocratique suppose une responsabilisation des citoyen·ne·s dont de nombreux sondages montrent qu’elles et ils sont sensibles à la qualité des produits. Ce sont avant tout les conditions matérielles plutôt que le manque d’information ou de volonté qui limitent les efforts.

Si la SSA repose sur le conventionnement, il ne s’agit pas d’un conventionnement obligatoire pour les producteur·rice·s qui ne souhaiteraient pas s’y affilier. En revanche, les agriculteur·rice·s conventionné·e·s doivent avoir voix au chapitre. Enfin, le projet de SSA doit permettre de créer des emplois.

Plus globalement, la SSA a vocation à se substituer à l’aide alimentaire, très inégalitaire. Cette dernière offre, certes, un moyen de limiter le gaspillage alimentaire, mais elle est aussi devenue une solution systémique pour valoriser les pertes de la grande distribution, au travers de la défiscalisation, sans égard pour la qualité des produits donnés aux plus pauvres. La SSA vise à garantir l’effectivité universelle d’un droit à l’alimentation.

De plus, la SSA n’est pas exclusive des autres minimas sociaux. Elle peut être regardée comme un corollaire du revenu universel, avec une préoccupation spécifique pour les enjeux alimentaires. Pour les personnes les plus précaires, l’alimentation est souvent un poste budgétaire “d’ajustement”. Sanctuariser un budget spécifiquement dédié à l’alimentation participe d’une souveraineté alimentaire. La solution qui consisterait à ne miser que sur la hausse des minimas sociaux reviendrait à n’envisager la transition alimentaire qu’à une échelle individuelle. Par les discussions collectives qu’elle induit, la SSA participe à faire de l’alimentation un commun.

La SSA ne permet pas de lutter contre toutes les formes de pauvreté mais se concentre sur la seule précarité alimentaire. Elle n’est pour autant pas exclusive d’autres sécurités sociales : celle qui touche à la santé, dont elle s’inspire, mais elle pourrait servir de modèle pour répondre à d’autres besoins fondamentaux de la population comme le logement, l’accès à l’énergie ou les mobilités.

Enfin, l’idée de remettre la gouvernance de la SSA entre les mains de caisses locales vise à la construction d’un projet collectif dont les contours ont vocation à évoluer avec la pratique. L’objectif n’est pas d’imposer une solution technocratique clé en main et de façon verticale.

Motion

Le Conseil Fédéral d’Europe Écologie-les Verts décide :

  • de réaffirmer son attachement à garantir l’effectivité d’un droit à une alimentation saine (1) à un prix juste et abordable pour tout·te·s, partout, et à l’établissement d’une réelle démocratie alimentaire ;
  • de défendre l’expérimentation d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) selon les modalités prévues par le Collectif pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation ;
  • de promouvoir, à travers ce projet de SSA, une agroécologie ambitieuse, reposant sur une absence d’utilisation d’intrants de synthèse – comme en agriculture biologique – et valorisant au mieux les auxiliaires présents dans les sols et des paysages (prairies naturelles, haies…) ;
  • de soutenir le choix d’un budget de 150 € par mois et par personne, sous forme d’une carte vitale de l’alimentation ;
  • d’encourager et de favoriser la mise en place du débat démocratique local nécessaire à la mise en place d’une SSA au sein de caisses locales ;
  • de soutenir et d’accompagner les dynamiques locales et l’émergence de territoires d’expérimentation.