Prendre en compte les enjeux concernant les salarié·e·s agricoles, acteurs clés de notre agriculture et du tissu rural
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Résumé

L’agriculture française repose de plus en plus sur le salariat : 900 000 salarié·e·s, soit 2/3 des actifs agricoles, assurent près de 40 % du travail sur les fermes. Ce salariat, très présent dans la viticulture et les cultures spécialisées, recouvre des réalités très diverses et comporte une part importante de travailleurs étrangers. Les Écologistes souhaitent intégrer cette réalité dans leurs politiques agricoles, sociales et territoriales, en promouvant des modèles agroécologiques plus durables et inclusifs pour l’ensemble des personnes travaillant en agriculture quel que soit leur statut. Cette motion propose des pistes d’actions pour le parti, les commissions et les élu·e·s locaux, nationaux et européens pour améliorer les conditions de travail et de vie des salarié·e·s agricoles.

Exposé des motifs

L’agriculture connaît une importante évolution démographique avec une forte baisse du nombre d’agriculteurs.trices indépendants et aides familiaux et une augmentation du nombre de salarié·e·s.

En France, 1,3 million de personnes travaillent en production agricole[1]. Parmi elles, 900 000, soit les 2/3 sont salarié·e·s. Seulement 119 000 sont salarié·e·s Permanent·e·s dans une ferme. 80% des contrats de travail salarié sont courts. 25 % des salarié·e·s en contrat saisonnier sont étrangers. En équivalent temps plein (ETP), en 2021, 674 000 ETP travaillent dans la production agricole dont 413 000 agriculteurs.trices et autres non-salarié·e·s, et 261 000 salarié·e·s. Les salarié·e·s agricoles assurent près de 40% du travail agricole.

La tendance est ascendante avec l’augmentation de la taille des fermes et le fort développement de la sous-traitance, qui représente 12 % de l’emploi agricole.

La viticulture concentre 31 % de l’emploi salarié. Le maraîchage, l’horticulture et les cultures fruitières sont les autres filières les plus intensives en emploi salarié. Le développement de l’agro-industrie entraîne aussi la multiplication des postes de salarié·e·s cadres à qui est confiée la totalité de la gestion des plus grandes fermes.

Les situations d’emploi dans le secteur agricole sont très diverses, par exemple :

  • Michel est salarié permanent d’un petit domaine viticole depuis 15 ans. Ils sont 3 actifs sur la ferme, le vigneron et 2 salariés permanents.
  • Léa travaille à temps plein, en CDI dans un service de remplacement, comme technicienne d’élevage. Elle intervient sur les fermes des adhérent·e·s en arrêt de travail ou en congés. Son association, située en Bretagne, emploie plus de 150 salarié·e·s Permanent·e·s.
  • Thierry est responsable salarié d’un atelier naisseur porcin. Il encadre 6 salarié·e·s. Son atelier fait partie d’un élevage multisite possédé par plusieurs associés.es éleveurs.
  • Christiane est bergère. Elle est employée par un groupement d’éleveurs pour la garde des troupeaux ovins en montagne pendant 4 mois durant lesquelles elle vit dans une cabane.
  • Céline est apprentie mécanicienne dans une entreprise prestataire de travaux agricoles pour de nombreuses fermes céréalières.
  • Paul est salarié dans une entreprise informatique. Pendant ses congés, il fait les vendanges, sous contrat vendanges.
  • Kornelya fait la saison du melon avec 50 compatriotes, sous statut de travailleur détaché, recrutée en Bulgarie par une agence d’intérim internationale.
  • Marie enchaîne les contrats durant la saison des récoltes de fruits et légumes en région nantaise, dans différentes fermes.
  • Ahmed a un visa de travail saisonnier, d’une durée maximale de 6 mois. Il est l’un des 1200 marocains recrutés pour la récolte des clémentines corses via l’OFII.

L’agriculture en France et en Europe n’a jamais autant reposé sur du salariat. Pourtant, ces 900 000 personnes sont la plupart du temps invisibilisées et loin d’être suffisamment prises en compte dans les politiques publiques.

Les salarié·e·s sont indispensables à la production agricole au côté des agriculteurs.trices. Le salariat est aussi une opportunité : diversification des formes de production agricole (Scop, fermes municipales), exercice du métier avant une installation individuelle, remplacement de paysans.nes. Le statut de salarié·e, s’il est respecté, peut offrir des conditions de travail décentes (revenus, congés payés, cotisations) dont certain·e·s indépendantes ne bénéficient pas. Cependant le salariat agricole se caractérise parfois par une forte précarité qui, si elle s’explique en partie par la saisonnalité et les difficultés de certaines fermes, se développe en raison de choix politiques et économiques qui font de l’humain une variable d’ajustement.

Les conditions de travail sont alors difficiles : code du travail pas toujours respecté (durée, accès aux toilettes, à de l’eau potable, etc.), rémunérations faibles, contrats courts, voire travail non déclaré, actions de prévention et de protection de la santé au travail trop rares malgré les risques avérés (exposition aux pesticides, pénibilités, etc.) démultipliés avec le changement climatique. Ce manque de prévention de l’usage des pesticides est aussi délétère pour l’environnement.

Ces conditions participent d’un manque d’attractivité des emplois agricoles.

Les conditions de vie sont parfois très dégradées, voire indignes et hors du cadre légal. Le logement est un vrai enjeu. Par exemple, les bidonvilles à Nantes et Bordeaux sont peuplés en majorité de travailleur·se·s agricoles, le plus souvent immigré·e·s.

La précarité des contrats des travailleurs et travailleuses étrangères crée parfois des situations d’exploitation. Les politiques migratoires actuelles acceptent l’arrivée de main-d’œuvre sans offrir de vraies perspectives de régularisation et s’apparentent à une « délocalisation sur place ». Cette précarité a des conséquences graves, comme le développement d’emplois non déclarés, voire de cas de traite d’êtres humains.

Motion

Les Écologistes portent une politique agricole ambitieuse pour une rémunération digne des paysans.nes et pour la transition agroécologique. Cette politique doit aller de pair avec un engagement pour des conditions de vie et de travail dignes pour l’ensemble des travailleur·se·s agricoles, chefs d’exploitation comme salarié·e·s. Il peut se décliner politiquement aux différents échelons territoriaux comme en témoignent les premières propositions en annexe.

Cette motion appelle donc le parti à se saisir de l’enjeu des conditions de vie et de travail des salarié·e·s agricoles.

Le Conseil fédéral des Écologistes rappelle que la transition écologique de l’agriculture et l’amélioration des revenus et des conditions de vie et de travail des paysans.nes est au cœur du programme du parti.

En conséquence et considérant l’importance croissante des salarié·e·s agricoles dans l’agriculture, le Conseil fédéral des Écologistes :

  • décide qu’à partir de ce jour, les Écologistes intègrent systématiquement la question des salarié·e·s agricoles dans leur expression et leurs réflexions sur l’agriculture, l’alimentation et le monde rural,
  • confirme promouvoir l’agriculture paysanne, l’agriculture biologique, l’agroécologie, davantage créatrices d’emplois pérennes non-salariés et salariés en raison du moindre recours aux intrants et de la diversité des productions et activités (transformation, vente en circuits courts en particulier), garantes de conditions de travail et de vie dignes pour tout·e·s.
  • invite les commissions, élu·e·s et groupes de travail du parti[2] concernés par la question des conditions de travail et de vie des salarié·e·s agricoles à participer à un groupe de travail commun chargé de proposer une politique globale sur le salariat agricole (d’ici 2 ans). Ce groupe de travail, animé par la Commission agriculture et ruralités, prendra attache avec les élu·e·s écologistes et les organisations représentatives des salarié·e·s et les syndicats agricoles.
  • appelle les élu·e·s Écologistes à œuvrer à chaque niveau territorial pour améliorer les conditions de travail et de vie des salarié·e·s agricoles dans les politiques concernées (agriculture, alimentation, insertion emploi formation, lutte contre la pauvreté, logement, mobilité en milieu rural, accès aux services essentiels, immigration, santé notamment) en lien avec les syndicats de salarié·e·s et les syndicats agricoles.

notes :

[1] Sont inclus ici uniquement les activités agro-alimentaires et les services directement liés à la production (transformation et vente à la ferme, tourisme rural…)
[2] notamment Agriculture et ruralité, Habitat – Logement- Urbanisme, Économie – Social – Services publics, Immigration, Ruralités, Lutte contre l’extrême-droite, Mer et Littoral