Reculs environnementaux de la PAC : faire semblant de répondre à la colère agricole en refusant l’agronomie
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Jeudi 25 avril, le Parlement européen a voté une révision des règles écologiques de la politique agricole commune. Censée résoudre la crise agricole, cette révision, proposée par la Commission européenne sous pression de plusieurs États, n’est pas une réponse à la colère agricole. C’est un refus des principes simples de l’agronomie.

Les revendications paysannes portent de légitimes demandes d’amélioration du revenu, d’équité dans les relations commerciales et dans les échanges internationaux, de besoin de soutien pour mener la transition écologique, d’une réponse à la crise démographique agricole. La Commission européenne et les États qui demandent une réforme, dont la France, sous la pression de responsables syndicaux productivistes, n’apportent aucune réponse à ces demandes légitimes. Au contraire, ils détruisent les avancées écologiques destinées à préserver l’agriculture. En faisant cela, ils jouent avec le feu. La population soutient l’agriculture et l’a prouvé lors des évènements récents mais pas à n’importe quel prix. La PAC représente 114 € par européen.ne (130 € par français.e). La vider de son sens commun c’est prendre le risque de la voir un jour refusée par les citoyens.nes, détruisant là un outil puissant pour accompagner l’agriculture.

Par ailleurs, les reculs environnementaux proposés ne détruisent pas que la relation agriculture-société, ils mettent en cause directement la capacité de la ferme Europe à produire dans le futur. Illustrations avec les suppressions proposées par la Commission : 

  • La norme BCAE 5 a pour objectif de limiter l’érosion des sols en pente. Pour cela, si une parcelle en pente est cultivée avec des plantes sarclées (telles que la pomme de terre ou la betterave), il est obligé de conserver une bande enherbée (ou une culture d’hiver) dans le bas des parcelles afin de limiter l’érosion liée au travail du sol de cette parcelle. De même, il est interdit de labourer dans le sens de la pente afin d’éviter que les sillons ne créent des couloirs qui facilitent l’érosion. C’est logique. La Commission propose de ne plus le rendre obligatoire. Illogique !
  • La norme BCAE 6 demande une couverture du sol pendant les périodes sensibles, c’est-à-dire en hiver. En effet, si un sol est nu (c’est-à-dire qu’il n’est pas couvert par une culture), les pluies hivernales vont entraîner les éléments nutritifs du sol dans les rivières et les nappes. Le sol sera appauvri et il faudra compenser par un apport plus grand d’engrais. Les rivières seront chargées en éléments nutritifs ce qui peut favoriser ici leur eutrophisation, là le développement d’algues vertes. Vraiment, c’est une bonne idée de supprimer cette règle.
  • La norme BCAE 7 exige une rotation des cultures. Changer de culture d’une année sur l’autre permet de réduire la pression des maladies et ravageurs (un insecte attaquant le blé n’attaque pas le colza par exemple). Cela permet aussi de limiter l’épuisement du sol puisque toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins. “Hérésie !, ont crié certains, On veut faire du blé avec du blé, rien d’autre, quitte à utiliser de plus en plus de pesticides et d’engrais pour compenser le déséquilibre écologique que nos pratiques auront entraîn”. Qu’ils soient rassurés, c’est illogique mais la Commission les a entendus.
  • La norme BCAE 8 oblige de consacrer 4% des terres arables à des éléments non productifs. Sont considérés comme éléments non productifs les haies, les arbres, les murets, les chemins, les bandes enherbées le long des cours d’eau…tous les éléments qui donnent du sens au paysage, sont des corridors écologiques et participent au maintien de la biodiversité donc à la préservation des pollinisateurs qui permettent aux cultures de produire. La quasi-totalité des fermes en polyculture-élevage ont déjà ces 4% de terres “non-productives” ! Quelques exploitations n’ont que des surfaces en production. Dans ce cas, il leur est demandé de mettre en place des jachères. Refusant cela, plusieurs agriculteurs ont manipulé leurs collègues pour demander la suppression de cette protection absolument logique et ils ont gagné. Toute ressemblance à des responsables syndicaux serait purement fortuite.
  • La norme BCAE 9 interdit de convertir ou de labourer des prairies permanentes désignées comme prairies permanentes écologiquement sensibles sur des sites Natura 2000. L’objectif est de préserver ces espaces reconnus comme contenant une flore et une faune exceptionnelle. La réforme propose d’autoriser les Etats à mettre en place des exemptions. Des dérogations sont toujours utiles de façon ponctuelle, par exemple pour répondre au besoin de rétablir une prairie endommagée par des ravageurs. Toutefois, il faut rester très prudent sur le risque de détournement que la réforme de la norme propose.
  • Les exploitations qui reçoivent des versements de la PAC sont soumises à des contrôles. Ce n’est jamais une partie de plaisir mais c’est une condition logique. Collectivement nous payons des impôts, nous décidons démocratiquement de les utiliser pour financer l’agriculture, en contrepartie nous demandons à être assurés, par des contrôles, du bon usage de ces fonds. La Commission européenne décide d’exempter de contrôle et de sanction les exploitations de moins de 10 hectares (ce qui correspond à de petites exploitations en polyculture-élevage, à certains élevages, à des fermes maraîchères, arboricoles ou viticoles par exemple). Quelle belle idée !

Il y a des situations dans lesquelles une adaptation de la norme peut être utile, des situations extrêmes qui peuvent faire l’objet de dérogation. Mettons en place des moyens d’adaptation, c’est le cas de toute régulation. Mais n’agissons pas bêtement ! L’agriculture mérite mieux que ces suppressions de règles populistes et dangereuses. Commission, ministère, syndicats productivistes, refuser l’agronomie vous fera peut-être gagner quelques mois mais la colère de la terre est autrement plus durable.