Ruralité : état des lieux et propositions
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Contexte général

Les scores électoraux d’EELV sont nettement plus faibles en zone rurale qu’en zone urbaine. Ceci tient à plusieurs causes :

    1. Les écologistes sont perçus comme étant contre les agriculteurs. Cela est surtout du au fait que les responsables de notre parti tiennent quelques fois un discours sans nuance sur la profession et occultent totalement le rôle social des agriculteurs. Dans les communes, beaucoup d’activités
      associatives n’existeraient pas sans leur aide. Ils sont les premiers contributeurs à la vie communale (fêtes, comices) et souvent la mémoire des villages.
    2. S’il y a un discours compétent d’EELV sur le volet technique et agronomique de l’agriculture, il n’y a pratiquement aucune proposition faite sur le monde rural.
    3. Tous nos leaders médiatiques sont des urbains (Cosse, Duflot, Cohn-Bendit, Mamère, Joly) et si José Bové s’exprime sur la politique agricole, souvent de manière clivante, il ne le fait jamais sur le monde rural.

Il nous appartient donc de bâtir un programme réaliste sur la ruralité. Comme on le verra plus loin le FN a sur le sujet, de nombreuses propositions et il en tire des bénéfices électoraux.

Quelques données sociologiques.

  • Un français sur quatre habite en zone rurale mais seulement un sur huit y travaille.
  • Le taux de pauvreté en zone rurale est supérieur au taux national : 13,6% contre 11,2%. Ce taux est en fait à peu près le même que dans les quartiers populaires des villes. Mais la pauvreté s’y exprime différemment. Si on assiste sporadiquement à des révoltes dans les villes, la pauvreté se cache en campagne. Dans les lycées et collèges beaucoup, par exemple, refusent de recourir aux fonds sociaux.
  • C’est un milieu ou il y a plus de personnes âgées : en zone rurale 27% ont plus de 60 ans contre 21% en zone urbaine.
  • Les ouvriers et les employés sont surreprésentés. Il y a 32% d’ouvriers en zone rurale contre 26,6 pour l’ensemble de la France et 27% d’employés contre 25% sur l’ensemble de la France.
  • Contrairement à une idée reçue, les campagnes ne sont plus en voie de désertification. Le nombre d’habitants y croît plus vite qu’en ville. En 2012 la croissance du nombre de logements était de 3,5% en zone rurale contre 0,4% en zone urbaine. Si un certain nombre de ménages s’installent en campagne par choix, la plupart, et notamment depuis 1995, le fait pour des raisons financières. Le coût du logement y est moins prohibitif qu’en ville.

Sociologiquement, on peut dire qu’il n’y quasiment plus de différence de comportement ou de différence culturelle entre les ruraux et les urbains. Le système éducatif ainsi que la radio et la télévision ont homogénéisé les manières de vivre.

Scolairement, les jeunes ruraux ont des performances légèrement supérieures que leurs camarades urbains et le style de consommation est le même qu’en ville.

Il subsiste cependant quelques différences notamment lors des élections. Le taux de participation est plus important et le vote est moins instable qu’en ville.

La satisfaction des besoins.

Les comportements et les besoins sont donc pratiquement les mêmes chez les ruraux que les urbains. Mais la satisfaction des besoins est plus compliquée en campagne qu’en ville :

  • Les événements culturels sont en ville.
  • Les seuls endroits où internet n’est pas disponible en haut débit sont tous situés en zone rurale.
  • La RGPP (Réforme Générale des Politiques Publiques) a surtout impacté les zones rurales :
    • 42 hôpitaux ont été supprimés pendant le quinquénat Sarkozy et 6 ou 7 durant le quinquénat Hollande. Tous étaient situés dans une petite ville.
    • 178 tribunaux d’instance ont été supprimés.
    • Dans l’enseignement, le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux a aussi été plus préjudiciable aux zones rurales car il a contribué à relever le nombre d’élèves en dessous duquel on ferme une classe. En 2011, il est passé de 20 à 23. Beaucoup de classes uniques ont fermé.
  • Cette population plus vieille et plus précaire qu’en ville a aussi besoin de facilités de transport. Or les transports en commun classiques ne sont pas rentables en campagne et peu souhaitables écologiquement.
  • Plus les gens sont âgés et plus ils ont besoin de soins médicaux. Or les médecins se font de plus en plus rares en milieu rural, l’accès global aux soins est un enjeu croissant.

Ce que disent nos concurrents

    1. Le CPNT : Curieusement pas grand-chose.
    2. L’UMP insiste sur le fait que l’agro-alimentaire représente 20% des emplois industriels et justifie toutes les atteintes à l’environnement en fonction de cela. Dans un discours Jean François Coppé dit qu’il faudra se décider à s’occuper du monde rural mais ne propose aucune solution.
    3. Avant 2012, le PS proposait « un bouclier rural » avec la volonté de freiner la disparition des services publiques et d’en implanter en fonction d’une durée maximum de trajet entre le domicile et le service concerné. Depuis l’arrivée de Hollande au pouvoir, en fait, rien ne s’est passé. Sylvia Pinel a lancé les assises de la ruralité, pour l’instant peu d’impact.
    4. Le FN propose quelques mesures de bon sens. Ils font notamment le constat que la désindustrialisation est plus importante en zone rurale qu’en zone urbaine et proposent de freiner la disparition des services publics et de favoriser la création d’emplois artisanaux. Durant les dernières
      élections, ils ont beaucoup communiqué là-dessus, ce qui explique en partie leurs succès électoraux.

Et nous que doit-on proposer ?

Les écologistes doivent porter des solutions innovantes pour la ruralité. En tenant compte des problématiques soulevées précédemment : précarité, public âgé isolé, manque de service et vote FN croissant mais également des atouts du monde rural : l’attractivité croissante, le faible coût du foncier, la qualité de vie, le lien social.

Cette écologie de proximité dans nos campagnes peut accompagner un essor nouveau et un mieux être des populations vers lesquelles les politiques publiques s’axent le moins.

Les « services publics » : compte tenu des dotations de plus en plus faible de l’Etat il est irresponsable de faire croire que chaque commune pourra conserver tous ces services. Les écologistes doivent proposer une réorganisation du maillage territorial. En favorisant l’émergence de petites villes de 5000 à 12000 habitants, les habitants des communes alentours pourront bénéficier d’un maximum de service et de commerces. Ces bassins de vie doivent correspondre aux habitudes des habitants, leur offrant à moins de 10km une réponse à leurs besoins essentiels. La notion de service public est souvent incarnée par le bureau de Poste, mais celui-ci est remis en question face aux difficultés que rencontre le courrier postal.

Nous proposons d’anticiper cette situation en créant des « pôles multiservices » couplant la possibilité d’affranchir et d’envoyer le courrier, d’accéder à Internet, des conseils administratifs, des permanences de proximité des principaux opérateurs publics (impôts, CCAS, CAF, Pôle emploi) et de
prévention. Des lieux où la notion de service s’incarne aussi par la possibilité d’échanger avec des personnes qualifiées pour répondre aux besoins des populations les plus précaires.

La mobilité : c’est un facteur clé, qui influe sur tous les autres : santé, services, emploi. Souvent avancés comme insuffisamment rentables, les transports collectifs en zone rurale ont peu à peu disparu. Au delà d’un plan ferroviaire qui est souhaitable après des années de fermeture de ligne de
proximité au profit le la LGV, il est possible de penser l’inter-modalité de manière innovante.

Les transports routiers peuvent bénéficier d’innovations technologiques facilitant notamment les modes plus flexibles de transport à la demande. Réduisant les coût, optimisant les taux de remplissage de véhicules plus petit (20 places env.) et plus écologiques, des plateformes informatiques peuvent permettre de répondre à un des besoins clé des populations rurales. Ces services doivent cibler les publics les plus vulnérables (précaires, personnes âgées) mais peuvent être rentabilisés par un tarif intermédiaire destiné au grand public et calé sur les besoins de mobilité pendulaire.

Les communautés de communes doivent proposer à terme des plans de mobilité incluant les zones rurales.

Concernant l’optimisation des dispositifs de transport existants, il est urgent de faire disparaître la règle des trois derniers km pour les transports scolaires et de permettre à des publics non scolaires d’emprunter les places vacantes dans ces bus à un tarif adapté.

Relocaliser l’emploi.

Les élus des petites communes n’ont pas toujours la possibilité d’engager des politiques volontaristes pour le développement de leur commune. Les solutions ne viendront plus de la planification ni de l’espoir de voir s’installer une grande entreprise qui apporterait à elle seule, tout l’emploi d’un
territoire. Il faut imaginer une économie rurale vivante, de proximité et innovante.

Imposer un plan local de développement économique au niveau de la communauté de commune permettrai de promouvoir un espace de débat trop souvent monopolisé par la commune principale aux dépends des petits villages périphériques. Il est également nécessaire d’accompagner activement
les élus, avec des équipes délocalisables sur projet depuis les collectivités (département, région) ou des structures d’accompagnement financées par celles-ci. En effet de nombreux projets sont bloqués par l’absence de l’ingénierie nécessaire au montage des dossiers.

Réparer la fracture numérique : les besoins croissants d’un service d’Internet performant en zone rurale restent insatisfaits. L’Etat impose aux agriculteurs la dématérialisation de leurs démarches administratives mais ne répond pas aux contraintes techniques pour que cela puisse s’effectuer.
L’accès à Internet est également une condition croissante pour l’installation de nouvelles populations et le développement d’activités innovantes. Il faut investir pour résorber ces zones blanches.

Un développement économique ancré localement : répondre aux besoins de proximité pour créer de l’activité doit être notre priorité. La transition énergétique joue un rôle clé avec la possibilité de développer de nombreuses activités autour de la production locale d’énergie renouvelable (bois énergie, éolien, …). La transformation des produits agricoles est également un enjeu pour améliorer le revenu des exploitants et créer des emplois. Une filière agro-alimentaire de proximité, gérée de manière coopérative est un axe clé de sauvegarde d’une vraie diversité du monde agricole. Elle pousse aussi à une production qualitative et respectueuse de l’environnement.

Culture

Les collectivités doivent subventionner la décentralisation de spectacles culturels en imposant des partenariats aux structures urbaines aidées, à l’image d’une représentation par saison qui serait décentralisée.

Il nous faut accompagner l’émergence de lieux de création et de projets culturels en zone rurale.

Santé

Favoriser l’installation des médecins en zone rurale est un enjeu clé. Les maisons de santé répondent en partie à cette question mais cette approche incitative n’est pas suffisante. Il est temps de discuter d’un quota d’installation urbaine pour les personnels de santé.

La prévention doit tenir une place plus importante dans l’offre de santé en zone rurale. Des partenariats avec la MSA ou la CPAM peuvent aider à organiser partout sur les territoire des espaces de préventions dédiés aux femmes (planning familial), aux personnes âgées (ateliers mémoire, prévention des maladies liées à l’âge) et des professionnels du monde agricole concernant les risques pour la santé de leur travail (TMS, exposition CMR…).

Education

Revoir le nombre d’élève mini pour la fermeture des classes.

Les classes à plusieurs niveaux, la situation sociale des enfants, les problématiques de l’enseignement en zone rurale sont spécifiques. Une place plus grande accordée à l’expérimentation faciliterait le travail des enseignants.

La réforme scolaire crée une inégalité entre les enfants des villes et des campagnes, l’offre d’activités périscolaires n’est pas comparable. Il est nécessaire de rétablir une égalité de traitement par le financement d’activités culturelles de qualité mutualisées par le département, à destination des écoles des petites communes.

L’offre de produits bio dans les cantines doit s’améliorer et se généraliser aussi aux communes rurales. L’éducation alimentaire doit prendre place dans les écoles de la petite section au lycée.

Pour faciliter l’emploi des femmes dans les zones rurales, il est indispensable de mettre en place des modes de garde collectifs à haut niveau de service. Un accompagnement des communes dans le montage de ces projets, par définitions complexes car multi-partenariaux, est indispensable.

Claire Desmares et Yves Sauvage, décembre 2013