Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, le député écologiste européen fustige la complaisance d’Emmanuel Macron vis-à-vis de la chasse et des chasseurs, et demande l’interdiction de cette pratique le dimanche.
Yannick Jadot, député européen, tête de liste des écologistes pour les élections européennes de 2019
« Monsieur le président, vous n’avez pas le monopole de la ruralité. Car la ruralité que vous défendez n’est pas celle des Français dans leur ensemble. Elle est celle d’une caste, d’un quarteron qui a fait main basse sur nos terroirs. D’une poignée de « saigneurs » qui en jouissent pour l’exploiter et la mettre à mal.
Non, monsieur le président, la ruralité, ce n’est pas la chasse. Et cela ne l’a jamais été. Ni hier, ni aujourd’hui, ni encore moins demain. Comment, en 2018, avec toutes les connaissances que nous avons désormais sur l’intelligence émotionnelle des animaux, sur leur sensibilité, peut-on considérer que ces massacres perpétrés pour le seul plaisir égoïste de quelques-uns symboliseraient la tradition de nos terroirs ? De quel droit leur laisserions-nous le monopole de nos campagnes ? En vertu de quoi leur abandonnerions-nous nos chemins vicinaux ?
Il est vrai qu’ils nous terrorisent et mettent en danger tous ceux qui les entourent. Combien d’accidents ? Combien de morts vous faudra-t-il encore pour mettre fin à ces pratiques d’un autre âge ? Dix, vingt personnes sont fauchées chaque année pour avoir osé enfourcher leur vélo, ou se balader avec leurs enfants. Au nom de quoi pouvons-nous justifier ces morts ? De pratiques ancestrales ? Celles-là mêmes que vous invoquez pour restaurer les chasses présidentielles ? Permettez-moi de penser que la République de France est assez forte pour se passer de ces pratiques. Assez sûre d’elle et de ses valeurs pour ne pas avoir besoin de ces tueries pour appâter quelques dictateurs en mal de contrats d’armements. Par contre, ceux que vous appelez « vos enfants », ces enfants de la République que vous prétendez chérir, ceux-là méritent d’être protégés. Bien plus que ces chasseurs que vous choyez, et dont le dernier trophée est d’avoir obtenu la tête du ministre d’Etat Nicolas Hulot, coupable à leurs yeux de protéger le vivant. Et pour les récompenser de leurs bons et loyaux services, pour les remercier d’avoir su faire taire la seule voix discordante de votre gouvernement, vous leur offrez un permis de chasse bradé !
Mais bradé pour que faire ? Chasser plus encore ? Mais, monsieur le président, dans notre pays, on chasse déjà quatre fois plus d’espèces que dans le reste de l’Europe. On chasse même une vingtaine d’espèces d’oiseaux menacées d’extinction, alors que les scientifiques nous alertent sur l’effondrement de la biodiversité !
Manifestement, ce n’est toujours pas assez à vos yeux puisque votre nouveau ministre de l’Ecologie, François de Rugy, vient de signer des arrêtés autorisant des pratiques d’une cruauté inouïe : des pièges pour les alouettes des champs, de la glu pour les grives et les merles, des filets pour les vanneaux. Et je passe sur le déterrage des blaireaux, l’étranglement des passereaux et la chasse à courre… Autant de mises à mort que les associations dénoncent depuis tant d’années, en vain ! Et que vous soutenez au nom de traditions séculaires. Foutaise ! De quelle tradition parle-t-on quand on nourrit 15 millions d’animaux dans le seul but de pouvoir les chasser ensuite ? N’est-ce pas le comble de la cruauté ?
Mais que vous importe la cruauté ! La chasse n’est pour vous qu’une monnaie d’échange parmi tant d’autres ! Ne venez-vous pas d’augmenter le quota de chasse des vanneaux huppés et des pluviers dorés, alors que vous promettiez d’arrêter cette chasse ? Tout cela pour plaire à certains au détriment de tous lors de votre prochain déplacement en Ardennes ?
Alors, monsieur le président, je vous prends au mot : si vous aimez tant les enfants de la République, alors vous leur devez bien d’interdire la chasse le dimanche pour que ce jour devienne celui de la nature et de la préservation du vivant. »